La gestion du stress chez le jeune enfant et l’adolescent
En 2014, une étude de l’UNICEF révélait que plus de quatre enfants de 6 à 18 ans sur dix se disent tristes ou cafardeux et trois sur dix perdent parfois confiance en eux. En 2021, ces chiffres ont presque doublé. Durant la période de pandémie, les troubles de santé mentale se sont fortement accrus chez les enfants. Ces souffrances ont des effets sur la mémoire et les apprentissages. Selon l’UNICEF la santé mentale correspond à notre bien-être émotionnel, psychologique et social. Elle affecte notre capacité à gérer le stress, les relations aux autres, à prendre des décisions…. Les enfants et adolescents sont régulièrement sous stress. Il faut toujours faire vite pour s’habiller, se laver les dents, etc… Nous sommes tous, adultes et enfants, constamment en train de courir. Des problèmes familiaux ou relationnels peuvent s’ajouter et engendrer du stress. De plus, la notion de performance scolaire soumet les enfants au stress quotidiennement et dès le plus jeune âge. Aujourd’hui, on remarque que la plupart des troubles mentaux chez l’adulte prenne racine dans la jeunesse, c’est pourquoi il est important de prévenir la santé mentale des enfants et des adolescents. La question de la gestion et de la prévention du stress chez les enfants et les adolescents est donc pleinement d’actualité.
Mais le stress, c’est quoi ?
Le Petit Robert définit le stress comme « une réaction de l’organisme à une agression, un choc physique ou nerveux » ou encore « une situation de tension nerveuse excessive, traumatisante pour l’individu ». Selon l’UNICEF, le stress est une « réaction du corps à un événement nouveau ou à une situation perçue comme menaçante ». Finalement, le stress peut être défini comme la différence entre quelque chose que l’on veut/doit faire et les moyens et ressources que l’on a pour y arriver. Le regard que l’on porte sur les choses peut être davantage à l’origine du stress que les choses elles-mêmes.
Une quantité raisonnable de stress peut être utile puisqu’elle permet de s’adapter à l’environnement, c’est le cas par exemple en cas de danger. Toutefois, si une situation de stress s’installe dans le temps, cela peut nuire à l’apprentissage et à l’épanouissement, et créer des problèmes de santé physique et mentale.
Lors d’un stress, un individu va ressentir des tensions physiques tels qu’un nœud au ventre, la gorge serrée, ce qui va créer des tensions mentales et émotionnelles telles que de la colère. A son tour cette tension émotionnelle va davantage augmenter les tensions physiques, les tensions mentales et les tensions émotionnelles. Si l’on n’arrête pas ce cercle vertueux, le stress grandit.
Ainsi, le stress aura un impact sur le corps, sur les émotions et sur les capacités cérébrales. On pourra observer chez l’individu stressé une perte de confiance, de la colère, de l’agressivité, un isolement, une difficulté à s’investir dans ce qu’il fait ou encore des difficultés de concentration. Ainsi, un enfant ne pourra travailler à l’école que quand il sera dégagé du stress et des émotions engendrées. Mais comment cela se passe-t-il dans la tête des enfants ?
Le cerveau, ça fonctionne comment ?
Les enfants n’ont pas les mêmes capacités et compétences que les adultes. Pour faire simple, le cerveau peut être classifié en trois parties. A l’origine, le cerveau reptilien qui régit notre instinct, notre survie. Le cerveau limbique (cerveau des émotions) qui permet la relation à l’autre. Et enfin le néocortex qui nous permet de réfléchir, d’anticiper, de planifier, d’imaginer des solutions.
De plus, le cerveau est divisé en deux hémisphères : droit et gauche. Sur le plan moteur, le droit commande le côté gauche du corps, et le gauche commande le côté droit du corps. Sur le plan émotionnel, le lobe droit servirait plus à la signification et le ressenti d’une expérience. Le lobe gauche semblerait être là pour tempérer le lobe droit, de façon à réguler les émotions négatives. Il aiderait à réfléchir logiquement et organiser nos pensées.
La clé du bien-être est de faire fonctionner correctement ces différentes parties ensemble, de les intégrer. Cela permettra de coordonner et d’équilibrer les différentes régions du cerveau. Ainsi, avec un meilleur cerveau intégré, un individu pourra prendre de meilleures décisions, mieux se comprendre, forger de solides relations, mieux contrôler son corps et ses émotions.
Que se passe t’il dans le cerveau des enfants ?
Les enfants et adolescents sont sous la prise directe de leurs émotions et de leurs réactions en cas de stress. En effet, le néocortex permettant de réfléchir, d’anticiper, n’est mature que vers l’âge de 25 ans. Ainsi les enfants et adolescents sont régulièrement dans le cerveau limbique, et leurs émotions sont quasi permanentes. Les émotions ont un sens, une intention, elles nous servent, elles sont guérissantes. Elles sont centrales dans la relation aux autres (Zanna O, Le corps dans la relation aux autres 2015). Mais elles peuvent aussi être un frein. Cela dépend de notre connaissance des émotions et de ce que l’on en fait. Dans son livre « Au cœur des émotions de l’enfant », Isabelle Filliozat nous dit « il est urgent d’apprendre à identifier, à nommer, à comprendre, à exprimer, à utiliser positivement les émotions sous peine d’en devenir esclaves, pour le bonheur de nos enfants et des adultes qu’ils deviendront ».
Chez les enfants (et les adultes) les difficultés à gérer voire accepter les émotions peuvent être source de stress. C’est pourquoi bien souvent apprendre à gérer nos émotions doit s’accompagner d’une gestion du stress induit.
Alors comment faire ?
Un enfant de moins de 3 ans a le cerveau droit dominant, il vit dans l’instant. Il n’a pas de logique ni de paroles pour exprimer ses émotions. Il a tous ses sens en éveil. Le jeune enfant vit l’instant présent avec toutes ses capacités. Il ne pense pas à hier ou à demain, il vit le présent pleinement et suit son instinct. En grandissant, l’enfant va apprendre à anticiper, à revenir sur son passé…peu à peu cette capacité à la pleine présence va s’éteindre. Il apparaît donc utile de l’aider à préserver et cultiver ce merveilleux outil de l’instant présent et ainsi relaxer le corps et l’esprit.
Selon Jon Kabat-Zinn, les enfants sont des petits maîtres en matière de pleine présence, c’est-à-dire qu’ils sont pleinement éveillés […]. Ils vivent « l’exquise vivacité de chaque instant ». Dans la pleine présence (ou pleins conscience), « nous nous sentons plus vivants. Nous trouvons aussi un accès immédiat à nos ressources internes puissantes, ressources de discernement, de transformation et de guérison ».
La méthode de relaxologie Biosappia utilise la respiration, le retour aux sensations ou le corps (via des postures de yoga ou de Qi gong) pour calmer les émotions, développer la confiance en soi et cultiver la présence à soi pour revenir dans l’instant présent. Ces outils favorisent la prise de recul, le lâcher prise et une meilleure connaissance de soi.
Ces outils de relaxation et de méditation permettront à l’enfant et l’adolescent à apprendre qui il est et à devenir un adulte confiant. Cela l’aidera à développer une meilleure concentration, à l’aider à se recentrer, à s’apaiser, à apprivoiser ses émotions et se reconnecter à son corps. Les capacités de mémorisation et les apprentissages en seront favorisés. Cela contribuera également à améliorer la confiance en soi.
En outre, notons que les adultes peuvent aider l’enfant en l’écoutant, en le câlinant, en nommant ses émotions, en organisant son quotidien de manière à ce qu’il subisse moins de stress, en valorisant ses réussites (à condition qu’eux aussi sachent déjà tout cela). D’autres méthodes simples existent pour les aider à être moins stressé. Par exemple, faire du sport, du yoga ou simplement marcher dans la nature. Pratiquer les massages apaisera les enfants et adolescents en baissant leur taux d’hormone du stress et en augmentant l’ocytocine, hormone du bonheur. Les enfants peuvent devenir acteur de leur mieux être, dès le plus jeune âge.
Finalement….
Selon Isabelle Filliozat, les besoins affectifs d’un enfant de tout âge sont :
- La confiance, la confiance profonde dans son corps ce qui confère un sentiment de sécurité intérieure ; la confiance en l’autre, en ses sensations, perceptions, émotions ; la confiance en ses propre pensées ; en ses ressources, ses compétences et la confiance en ses aptitudes, à son utilité dans le monde
- Se sentir accepté inconditionnellement tel qu’il est. Cela passe en autre par l’affection (les mots, les caresses, les câlins)
- Se sentir apprécié : plus il est apprécié, plus il aura envie d’avancer. Cela guide l’autonomie
- Se sentir exister
Je suis persuadée que les méthodes de gestion du stress citées ci-dessus contribuent largement à remplir ces besoins. En pratiquant ces méthodes, en les intégrant, l’enfant et l’adolescent apprendra à mieux se connaître, à mieux connaître son corps, à reconnaître les signes su stress, à nommer les émotions et à en faire quelque chose de positif.
Aujourd’hui, on ne parle pas toujours de l’affectivité à l’école, de comment gérer ses émotions. Un enfant qui sait nommer ses émotions, les apprivoiser et les exprimer sera un enfant plus serein et un adulte plus confiant avec de bonnes relations sociales. Il est clé d’apprendre à nos enfants les outils pour gérer leur stress et plus généralement leurs émotions avant que le mal ne soit fait.
Quand on ne peut pas agir sur les effets extérieurs qui créent le stress, il est essentiel d’avoir les outils de relaxation pour gérer l’intérieur. On peut choisir de laisser nos enfants dans la tempête émotionnelle, ou alors on peut décider de leur enseigner et de leur donner cette ancre pour renforcer leur intérieur et ne pas être emporté par la tempête.
Aurélie Ricard
Avril 2022
Sources
FILLIOZAT, Isabelle, L’intelligence du cœur, Edition Jean-Claude Lattès, 1997
MORTIER, Janine, Vittoz pour les enfants, Edition Pierre TEQUI éditeur, 2005
SIEGEL, Daniel J., BRYSON, Tina Payne, Le cerveau de votre enfant, Edition Marabout, 2020
SNEL, Eline, Calme et attentif comme une grenouille, Editions des Arènes, 2010
- Adolescents en France, le grand malaise, UNICEF 22 septembre 2014, https://www.unicef.fr/article/adolescents-en-france-le-grand-malaise
- Ecoutons ce que les enfants ont à nous dire, Consultation nationale des 6-18 ans, UNICEF 2014 (Etude menée sur 11 232 enfants de 6 à 18 ans de mars à mai 2014), https://www.unicef.fr/sites/default/files/userfiles/Consultation_2014.pdf
- « La jeunesse à la bonne école ? », Consultation nationale des 6-18 ans, UNICEF 2021 (Etude menée sur 25 300 enfants de 6 à 18 ans d’octobre 2020 à mars 2021), https://my.unicef.fr/sites/default/files/rapport_consultation_2021-tbd.pdf
- Comprendre la santé mentale des enfants et jeunes, UNICEF, 30 Septembre 2021, https://my.unicef.fr/contenu/comprendre-la-sante-mentale-des-enfants-et-jeunes
- Dossier spécial stress chez les enfants et les ados : causes, conséquences, prévention, Octobre 2021, https://apprendreaeduquer.fr/stress-chez-les-enfants-causes-consequences-prevention/